La journée avait commencé comme toute les autres. Elijah était arrivé un peu en avance, avait salué l'équipe et discuter avec quelques collègues avec qui il travaillait pour le film d'animation en cours. Cependant, il manquait une personne et il fallut donc attendre un peu plus longtemps. Finalement, après deux bonnes heures sans parvenir à la joindre, le chef d'équipe décida de faire poser les voix de ceux présents en évitant les scènes où l'absente devait parler. Il faudrait alors une session dans les jours à venir pour rattraper ce retard.

Une petite pause déjeuner durant laquelle, cette jeune femme fit enfin son apparition. S'excusant auprès de toute l'équipe avant de se faire prendre à part par le chef afin de discuter sur cette absence et le fait qu'elle n'ait pas prévenu. Heureusement pour elle qu'il n'avait pas le temps de repasser les scènes qu'elle avait déjà faite, sinon sans doute se serait elle fait virer de la production. En tout cas, il lui assura qu'il ne lui faciliterait pas son passage sur d'autres films.

Le début d'après midi fut donc consacré au rattrapage de toutes ces scènes non doublées dans la matinée, avant de pouvoir reprendre où ils en étaient. C'était déjà long de faire correctement quelques passages, alors prendre un tel retard pouvait jouer sur la sortie du film et pouvait donc stresser les supérieurs sur le fait de perdre d'autres contrats s'ils ne respectaient pas les délais. C'était sans doute pour cela qu'ils étaient parfois si dur avec les doubleurs ou autre membres de l'équipe. Et afin que le retard ne soit pas trop conséquent, le chef d'équipe demanda à tout le monde de rester un peu plus tard ce jour là.

Cinq minutes de pause pour ceux qui avaient des personnes à prévenir et Elijah en profita donc pour envoyer un message à Ming Yue. Il n'avait pas d'heure exacte à lui donner, mais il essayerait de se dépêcher et il voulu le rassurer en lui disant qu'il avait son crayon de Crysalis de secours. Bon, l'autre était resté à l'appartement puisqu'il était censé terminé avant la nuit normalement.. Heureusement qu'il avait toujours ce petit de secours dans une pochette au fond de son sac.

Ils reprirent le travail en s'appliquant afin de ne pas avoir à recommencer trop de fois les mêmes passages. Mais, plus le temps passait et plus la fatigue se faisait ressentir. Les erreurs devenaient alors plus fréquentes. Finalement, le chef d'équipe lâcha dans un soupir qu'ils devraient tous rentrer chez eux et qu'ils reprendraient le lendemain. Tous remballèrent donc leurs affaires et commencèrent à quitter les lieux.

Comme il s'y attendait après avoir vu qu'il était presque vingt et une heure, il faisait nuit.. Un frisson lui parcouru l'échine et il s'écarta un peu de l'entrée pour fouiller dans son sac afin d'en sortir une petite pochette dans laquelle se trouvait son crayon de Crysalis. Un peu rassuré de l'avoir entre les mains, il rangea la pochette et elle se piquer avec, quand on le bouscula sans douceur. Manquant de trébucher, son portable percuta le sol, heureusement qu'il avait une bonne protection. L'autre personne s'excusa avant de partir d'un air pressé. Et le jeune homme remarqua alors avec horreur que son stylo lui avait échappé. Oh non, pas ça.. Elijah le chercha des yeux, un peu fébrile et inquiet surtout de ne pas remettre la main dessus. Cela voudrait dire rentrer sans cette protection qui le rassurait tant.. Il avait du rouler quelque part, sans doute pas trop loin même et il le retrouverait. Le doubleur essayait de se rassurer comme il pouvait alors qu'il faisait quelques pas d'un côté, puis de l'autre. Observant le sol, espérant que personne n'ait marché dessus en passant..

Nam Il était de retour à Séoul depuis un petit moment, mais rien de sérieux n’avait encore été entamé. Cette dernière année avait été destinée à installer son commerce en douceur, sans attirer l’attention de ceux qui auraient pu lui mettre des bâtons dans les roues. Il continuait de commercer en Chine. C’est juste que soudainement, il avait eu la nostalgie de son pays. Étrange que ce soit ici qu’il ait passé le moins de temps en huit longs siècles… Quoi qu’il en soit, il s’amusait encore, subtil, caché. Mais il savait que toute bonne chose avait une fin. Il faudrait mettre quelques trucs importants en branle avant la moitié de l’année. C’est à ces « trucs » qu’il pensait tout en marchant calmement dans les rues de Séoul, à moitié plongé dans ses pensées, à moitié attentif à son environnement. Un prédateur n’oubliait jamais où il mettait les pieds, après tout…

C’est ainsi qu’il a tout le loisir d’apercevoir la scène qui se joue devant une tour à bureaux. Ou il supposait que c’était ça. Il ne connaissait pas encore tous les commerces de la ville, forcément. Il s’avance lentement, sans se presser, déjà amusé devant à la fois le manque de politesse de celui qui avait bousculé et la panique de celui qui en était la victime. Il reconnaissait très bien ce qui avait roulé au sol. Et alors qu’à quelques mètres du jeune homme, il s’arrête devant, il observe un moment sans rien dire. L’autre n’avait toujours pas retrouvé le crayon de Crysalis. Son joli regard en amande douce cherchait frénétiquement. Le mouvement de son corps laissait deviner de la masculinité sans trop, cette dualité qu’il appréciait encore plus que la virilité ou la féminité. Ses cheveux semblaient soyeux et juste assez longs pour le supplier de les tirer légèrement…

Nam Il pose le bout de son pied sur le crayon, comme s’il l’avait arrêté dans sa roulade pour qu’il n’aille pas trop loin. Un sourire sympathique étire son visage alors qu’il élève la voix.

« Eh ! C’est à toi ? », demande-t-il pour interpeller le garçon et attirer son attention sur le crayon de Crysalis. Ce disant, lorsqu’il a droit à son regard interloqué, il a un signe de la tête pour le sol, à ses pieds. Le petit objet, encore intact, se trouve juste là, sous le bout de son pied. Ah, le bon Samaritain qu’il était…! Dès qu’il voit ce qu’il veut sur le visage de l’autre, soit du soulagement, et que ce dernier s’approche rapidement pour récupérer son bien, il effectue une petite pression de l’avant… et le bout de son pied écrase l’objet ridicule et insignifiant. Il était de ceux qui n’auraient aimé la Crysalis que s’il en avait le marché exclusif… « Oups… »

Il a un clin d’œil pour le jeune homme, comme s’il venait juste de faire une petite gaffe sans le vouloir. Il ne savait pas encore s’il allait mordre à cette belle jugulaire qu’il sentait battante d’ici… mais l’envie était forcément là. Mains dans les poches, le vampire glisse lentement sa langue contre ses canines. Il penche la tête sur le côté pour mieux observer sa proie.

« Je te ferais de ces choses avant de te croquer, toi… ». Le regard jusque-là plein de bonnes intentions avait changé pour celui du prédateur qu’il était. Et dans un signe de la main, il montre une ruelle qui, il le savait, débouchait sur tout un réseau de plus petites ruelles presque labyrinthiques. « Tu devrais courir. »

Et si ce n’est pas suffisant pour inciter le jeune homme à le faire, il a un pas vif en sa direction, rugissant :

« Maintenant ! »

Qu’il court pour aiguiser son appétit, mais surtout pour exciter le prédateur, ce joli petit minois…

Elijah cherche son crayon de Crysalis, se mettant même à quatre pattes pour regarder sous les véhicules garés non loin et regarda également dans le caniveau. Avant de se redresser pour chercher un peu plus loin. Avant de finalement se faire interpeller. Comment savait il que c'était à lui que l'on parlait ? Peut être parce que la rue se faisait de plus en plus désertée au fil du temps qui défilait bien trop vite alors qu'il s'inquiétait de ne pas retrouver ce liquide si précieux pour lui. L'inconnu semble sympathique lorsqu'il lui demande si c'était à lui et le jeune homme hoche la tête avec un air soulagé sur le visage.

- Oui, c'est à moi. Merci de l'avoir arrêté !

Et il s'approche rapidement pour se pencher vers le petit objet, mais avant que sa main n'ait atteint le crayon, celui ci se fait écraser sous la chaussure de l'homme. Oh non.. Elijah ne saurait dire si l'inconnu l'avait fait exprès ou non et il regarde le liquide sur le sol, encore plus inquiet de la façon dont il allait rentrer à présent.. Peut être devrait il demander à Ming Yue de venir le chercher et attendre dans le hall d'entrée avec les gardiens ? Mais, il voulait tellement lui montrer qu'il pouvait s'en sortir sans toujours lui demander de l'aide.. Déjà le mois précédent, cette rencontre avec Tae Min l'avait un peu retourné, mais il s'en était finalement bien sortit. Alors, peut être que ça se passerait bien s'il faisait attention aux endroits où il passait pour rentrer chez eux.

Un peu perdu dans ses pensées, il ne prêta pas plus attention que ça aux paroles de l'homme en face de lui, même si elles arrivèrent à ses oreilles sans vraiment s'arrêter sur le sens. Il releva donc les yeux vers lui et allait lui souhaiter une bonne soirée en lui disant que ce n'était pas grave. Mais, son regard avait changé et cela fit reculer un peu Elijah. Ses yeux s'agrandirent un peu, de peur, alors qu'il comprenait qu'il n'était pas humain lorsqu'il lui dit qu'il devrait courir.

Reculant d'un pas, une de ses mains se serrant sur la bandoulière de son sac, il fit volte face pour se mettre à courir alors que le vampire sembla soudainement plus agressif. Aller tout droit serait une mauvaise idée, il le rattraperait bien plus facilement sur une ligne droite et il devrait donc feinter en prenant des tournant. Sans réfléchir plus que cela, Eli s'engouffra donc dans une petite ruelle, avant de tourner dans une autre. Ne cherchant pas à se retourner, essayant de partir le plus loin possible tant qu'il avait un peu d'avance. Il avait deux carrefours et quatre grandes rues à passer pour arriver à l'appartement normalement.

Mais voilà, ne faisant pas attention aux ruelles, il ne savait pas où il se trouvait présentement.. Ca lui rappelait étrangement cette nuit là, lorsqu'il était tout gamin et une soudaine envie de pleurer monta en lui. Elijah se précipita derrière un gros conteneur poubelle bien remplit, peut être que l'odeur cacherait la sienne. Il l'espérait très fort en tout cas. Cherchant de quoi se protéger dans son sac, il trouva un ciseau de couture de Ming Yue qu'il avait oublié de retirer après leur dernier passage au magasin de tissus. Le serrant fort à deux mains devant lui, bien collé au mur et essayant de ne pas respirer trop fort, son regard brillant des larmes qu'il retenait. Le jeune homme se sentait prit au piège et n'osait plus faire un mouvement.

Une fois qu'il serait sur que le vampire n'était plus après lui, alors il essayerait d'appeler Ming Yue finalement. Mais, pour le moment, il n'osait pas. Parce que cela ferait trop de bruit, sachant bien que ces monstres pouvaient parfaitement entendre même des murmures.. Il espérait simplement que son portable ne se mette pas à sonner, parce que même s'il était en vibreur, cela s'entendrait forcément pour l'ouïe fine du vampire. Non ? Tremblant un peu, pinçant les lèvres et le coeur battant à tout rompre, il fixait le petit écart en face de lui entre la poubelle et le mur. Bien que la ruelle ne soit que peu éclairée et donc qu'il ne voit pas grand chose..

Penchant la tête sur le côté, Nam Il étudie. Il étudie le singulier cas qu’il a sous les yeux. Il lui semblait un peu plus vieux que ce que son attitude lui renvoie. Le garçon sera une proie facile. Trop facile pour être réellement amusante, même si maintenant qu’il y ait, il va le terrifier une bonne fois pour toute. Mais même si son âge devrait le qualifier d’homme, Nam Il n’est plus certain, suite à une simple série de réactions, de lui attribuer ce qualificatif. Donc garçon ce sera. Il lui semble tête-en-l’air. C’est peut-être ce qui lui donne un air de naïveté méprisable… Lui qui semblait si nerveux, Nam Il ne comprend pas qu’il ne lève pas la tête plus tôt. Qu’il ne sente pas l’atmosphère changer bien avant que son regard ne s’écarquille enfin et que ses pupilles décident finalement de se dilater par la peur. De toute évidence, il avait peur, mais ne savait pas comment procéder ce sentiment. Peut-être était-il simplet. On disait qu’ils pouvaient plus facilement vivre une vie normale qu’à sa plus flamboyante époque. C’est ce qu’on disait, oui…

C’est ce pied qui brise la fiole qui aurait dû mettre la puce à l’oreille pour de bon au garçon, mais ça ne semble pas suffisant. La surprise le fige sur place un instant et Nam Il arque un sourcil. Puis, il l’effraie. Enfin. Peut-être pas assez, parce qu’il semble préférer laisser sa vie derrière plutôt que son sac, dont il retient fermement la bandoulière. Ça fait encore une fois soupirer Nam Il. D’ailleurs cette fois, il élève la voix pour que de là où il est, à courir comme un dératé, le garçon l’entende quand même.

« Tu devrais lâcher ton sac. Il te ralentit ! », raille le vampire, s’amusant à ridiculiser un peu sa proie avant de l’attraper. Pour lui-même, il ajoute en grognant : « Tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas prévenu… »

Et sur ce, le vampire s’élance. Rattraper le garçon n’est vraiment pas difficile. Un être humain ne pouvait vaincre un vampire à la course. Il devait se résoudre à l’affronter ou réussir à courir assez longtemps pour se mettre à l’abris, trouver un sauveur et Dieu sait quoi encore. Il le fait un peu mariner, néanmoins. Lui donne l’impression de le distancer avant de faire résonner ses pas près de lui, qu’il accélère la cadence pour petit à petit, sentir ses forces l’abandonner, réaliser que ses poumons arrivent à leur limite. Ça aussi, ça arrive plus vite que Nam Il l’eût cru… et quand il débarque dans la ruelle, il s’approche lentement, à pas qui résonnent bien pour que le garçon se tende davantage.

« Mais où est-il…? Je l’ai perdu ? »

Un petit sourire étire lentement les lèvres du vampire. Non. Il ne l’avait pas perdu. Il voulait juste redonner une petite lueur d’espoir à l’humain avant de lui montrer qu’il était bel et bien là. Et justement, le voilà qui s’arrête juste devant la cachette du garçon.

« Bouh ! »

Au jeu du chat, c’était lui le plus fort…