Geumcheon. Un arrondissement dépravé et dégoûtant que Lawrence n’aurait de toute évidence pas foulé si ce n’était qu’il devait prendre le pouls de Séoul sans faire la fine bouche. Il n’était pas foncièrement mauvais, mais il avait cette tendance à prendre tout le monde de haut, notamment parce qu’en ayant été mordu à 18 ans, il avait de toute évidence du mal à faire respecter âge véritable. La populace d’un quartier pauvre qui, à ses yeux, ne faisait rien pour se sortir de la panade était de toute évidence facile à mépriser. Pourtant, il ne les méprisait pas pour leur pauvreté. Il savait ce que c’était et s’ils travaillaient forts, ils avaient même son respect. Disons que c’était complexe d’être dans la tête de Lawrence et qu’il n’était pas toujours égal avec lui-même. Du moins, pas aux yeux des autres. Mais généralement, ses réactions se fondaient sur un passé tumultueux qu’il n’avait jamais réussi à mettre derrière lui…

La nuit était tombée depuis un moment, mais il devrait craindre le soleil dans plusieurs heures encore. C’est ainsi qu’il circulait librement dans les rues de Geumcheon, cherchant à prendre le pouls de la société vampirique de ces bas-fonds de la ville. On lui avait parlé du Bakjwi et c’est là qu’il se dirigeait sans trop en avoir envie, mais malgré tout curieux de ce qu’il allait y trouver. Ça, c’est jusqu’à ce que vienne à lui un parfum aisément reconnaissable puisqu’il avait pu le rencontrer déjà deux fois depuis sa très courte arrivée à Séoul. Ça le surprend d’abord. Assez pour que l’homme s’arrête net, tournant la tête vers la ruelle d’où le parfum suave et féminin venait. Des bruits de lutte. Était-il surpris ? Pas le moins du monde. Mais est-ce que le soldat qu’il fut jadis comptait aller mettre un terme à cette bataille ? Non. Il avait toutefois envie d’en voir le dénouement puisqu’il s’agissait de cette petite garce.

Trop tard. Un des deux adversaires passe à toute vitesse à côté de lui. Un vampire, de toute évidence. Pas de surprise là non plus. Il n’avait même pas eu le temps de jeter un coup d’œil à cette ruelle qui se repliait sur elle-même en L… Mais, il a toutefois le temps de bloquer l’accès à celle qui, seulement trois nuits plus tard, avait réussi à lui briser une de ses belles chemises et, par le fait même, érafler méchamment son torse. Elle était douée. Pas assez pour le tuer. Mais elle était douée et il aurait été bête de la sous-estimer de trop.

« Quelle sale langue. À mon époque, tu ne te serais pas trouvé de mari et tu aurais fini dans le lit de plusieurs en espérant avoir un peu d’argent en contrepartie, avec ce genre de comportement. », raille Lawrence tout en toisant la jeune femme qui était arrivée rapidement dans sa direction. Mais pas pour lui, de toute évidence. Il songeait au vampire qu’il avait vu quelques secondes plus tôt et qui lui avait lancé un regard carmin farouche et violent. Il avait beau louanger ceux qui se rebellaient contre les normes imposées de force aux vampires, celui-là lui avait laissé un arrière-goût amer en bouche. Et ce n’était pas le sang sur son menton qui l’avait repoussé même s’il aurait clairement pu faire les choses plus proprement. « Mieux que moi ? Quelle chance. J’ai cru que tu allais enfin réussir à m’achever ce soir. J’en tremble de peur. »

Un fin sourire moqueur étire les lèvres de l’homme. Il penche légèrement la tête sur le côté, tirant sur son caban comme pour le replacer un peu ou en défaire un pli invisible.

« Et si je ne te laisse pas passer ? Tu penses pouvoir affronter deux vampires en une nuit dont moi ? », demande-t-il, ne se prenant de toute évidence pas pour le dernier des incapables. Il aurait été bien idiot de le faire avec son expérience militaire et ses 1200 ans derrière la cravate, non ? « Qu’est-ce qu’il a fait pour que tu le poursuives si ardemment ? Il a osé se nourrir ? Pauvre petite humaine fragile… »

Ce disant, Lawrence fait un pas en direction de Lim, s’amusant de toute évidence de cette rencontre. Elle était tellement dans tous ses états…!

Pas si loin… Un petit sourire ironique étire les lèvres de Lawrence. Pourtant, c’était extrêmement loin. Il ne parvenait même pas à se souvenir de la sensation du soleil sur sa peau pour ces maigres 18 premières années de son existence. Mais, il savait ce qu’elle voulait dire par là. La situation des femmes n’était pas encore tout à fait idéale, apparemment. Il écoutait le discours des féministes d’une oreille très distraite et il était de ces hommes qui n’avaient clairement pas honte à l’avouer. Alors il se contente de hausser un peu les épaules.

« Tu es bien confiante pour quelqu’un qui ne sait rien de l’époque qui m’a vu naître. », raille un Lawrence qui savait pertinemment qu’elle était le genre de fille qui parlait au travers de son chapeau. Et en même temps, vu son caractère (pour peu qu’elle ait eu le même élevée avec les préceptes de l’époque…), peut-être qu’elle aurait effectivement trouvé une façon de faire les choses différemment. Allez savoir… « On ne saura jamais ce que tu aurais été. Ça aurait pu être intéressant de le découvrir. »

Par contre, la suite lui arrache un rire. Sarcastique, sûrement, ce rire. Mais quand même présent. Ce qui n’était pas rien. Surtout dans une telle situation.

« Rester humble ? », demande-t-il, simple rhétorique pour appuyer sur ce qu’elle venait de dire. « C’est un conseil que tu te donnes à toi-même ? »

Parce qu’elle lui semblait tout sauf humble pour le peu qu’il en avait vu… Par contre, à la suite, il fronce d’abord légèrement les sourcils… puis de façon de plus en plus marquée. Il y a un doute, toutefois. Toutes les raisons semblaient être bonnes pour tuer un vampire. Comment pouvait-il la croire ? Il croit bon de rétablir un fait toutefois et ça, c’était indéniable…

« Je ne l’ai pas sauvé. Je ne l’ai juste pas arrêté. », assure-t-il et il n’en démordrait pas. Elle jouait sur les mots. Elle cherchait des affiliations où il n’y en avait pas. « Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi je l’aurais fait sans raison. Tu attraperais un chasseur qui court à côté de toi sans savoir pourquoi, toi ? »

Il était sûr que non… Alors pourquoi exiger des vampires qu’ils se retournent contre les leurs, pour leur part ? Les chasseurs étaient tellement ridicules. Leurs croyances étaient pleines de trous noirs et ils faisaient mine de ne pas le remarquer… Par contre, ce qu’elle lui explique ne lui plaît forcément pas. Il pince les lèvres, sa tête se tournant vers la direction où le vampire avait filé…

« Je ne cautionne certainement pas le meurtre et encore moins celui d’enfant ! », déclare sèchement Lawrence. La voix de l’homme d’affaire avait claqué comme un fouet dans le silence de la nuit. Il a un signe de la tête dans la direction que l’autre avait pris. « Il est parti par là. Mais il est loin. Je sens encore le sang dont il s’est abreuvé et qu’il s’est foutu partout… Tu ne le retrouveras pas sans moi. »

Ce disant, son regard sombre se pose à nouveau sur la chasseuse. Était-elle prête à faire équipe avec un vampire ? Son désir de le tuer était-il aussi puissant ?

Grand bien lui en fasse : les sous-estimer la mènerait assurément à sa mort. Pourtant, ses airs suffisants laissaient penser de prime abord que c’était ce qu’elle faisait. Alors disait-elle vrai ? Ou essayait-elle seulement de se faire passer pour plus prudente qu’elle ne l’était réellement ? Elle répond apparemment sincèrement à sa question sur les chasseurs, par contre. Elle n’aimait personne, hein ? Très bien. Mais n’aimer personne n’était pas une raison pour se mêler de ce qui ne la regardait pas. Perdrait-elle vraiment son temps à buter tous ceux qui courent à côté d’elle ? Franchement, Lawrence en doutait fortement et il voyait là de la mauvaise foi. Peut-être n’y en avait-il pas, mais ça ne changeait absolument rien à son jugement final.

Par contre à la suite, il arque un sourcil, dubitatif. Et encore une fois, il juge ce petit bout de femme trop caractériel.

« Quelle mauvaise foi. Elle s’écoule par tous les pores de ta peau. Ça sent mauvais… », grince-t-il, ayant à nouveau pour elle un sourire qui n’en était pas un, froid et amer, méprisant même. « Si tu vois les événements autour de toi ainsi, tu dois souvent être en colère… Ça explique bien des choses, finalement. »

Sa haine pour les autres. Si elle les tenait coupable de ce qu’ils n’avaient pas faits pour la simple et bonne raison qu’ils se trouvaient là au mauvais moment… Ça devait être long, les nuits, dans la peau de Lim Hye Won… Elle semble ensuite réfléchir longuement. Ça ne lui fait de toute évidence pas plaisir de faire équipe avec lui. Qu’elle ne s’inquiète pas : il n’en est pas plus heureux… Mais il n’a pas envie de se salir les mains et elle, elle fera la sale besogne à sa place.

« Bien sûr. Temporaire. », assure-t-il, n’ayant jamais désiré quelque chose de plus que ça. Mais elle lui avait donc donné sa réponse et elle était positive, peu importe dans quel manteau de négativité elle voulait l’envelopper ! Railleur, il ajoute : « Tu n’es peut-être pas haute dans mon estime à être chasseuse, mais ça pourrait être pire. Tu aurais pu être membre de l’Ordre et te cacher derrière de faux semblants d’équilibre et d’autres conneries du genre. Au moins toi, tu es très ouvertement du côté des mortels… »

Ça puait un peu moins l’hypocrisie, malgré ce qu’il lui avait dit un peu plus tôt. Mais la haine de Lawrence à l’égard de l’Ordre de la Sphère Céleste n’était plus à prouver. Bref… Lawrence suit soudainement la trace fraîche de l’autre vampire, avec à ses côtés une chasseuse à laquelle il ne peut faire confiance. D’ailleurs, il reste prudemment à côté d’elle, mettant un peu plus d’espace entre eux que l’épée qu’elle garde à la main. Pas question d’être pris au dépourvu par une ruse maladroite. Il doutait que ça en soit une. Mais ne sait-on jamais… Alors il marche, silencieux, cherchant et trouvant… Parce que Lawrence ne faisait jamais rien en vain…

Il s’arrête avant d’arriver, faisant signe à la jeune femme d’en faire de même. Il lève un index qu’il pose contre ses lèvres, jetant à Hye Won un regard sombre qui veut tout dire : il est là. On entendait un bruissement dans la ruelle. Son ouïe lui permet pour sa part de savoir exactement ce que le vampire faisait : il se changeait pour ne pas attirer l’attention davantage. Pas de chance... Il allait bientôt être dévoilé au grand jour. Façon de parler… Lawrence a un regard éloquent pour la chasseuse, accompagné de geste pour les désigner tour à tour. Lui ou elle ? Voulait-elle qu’il bondisse le premier ou allait-elle se charger de tout et il assurait ses arrières ?

Lui, il s’en fichait. Il n’avait pas envie de se salir les mains. Il l’avait déjà assez fait par le passé. Mais il était toujours un soldat, même si on aurait pu croire que les siècles derniers avaient changés ça… et il pouvait intervenir s’il le fallait…

Ah… se seraient-ils trouvé un point commun ? Lawrence n’aurait jamais osé l’espérer. Et pourtant, vu la véhémence que la chasseuse met dans ses mots envers l’Ordre de la Sphère Céleste, ils semblent avoir le même avis à leur sujet. Il arque un sourcil, marquant ainsi calmement sa surprise. Quant au fin sourire qui étire ses lèvres, non pas sympathique, plutôt suffisant, mais quand même positif dans l’état actuel des choses, il marque en fait une certaine approbation. Il savait que l’Ordre n’était souvent pas dans le cœur des vampires, ni dans celui des chasseurs, mais une telle véhémence était rare et il l’approuvait, peu importe qui la lui présentait. Peu importe que ce soit cette cinglée qui avait essayé bêtement de l’assassiné déjà plus d’une fois. Il en a même un rire bref, amusé et ironique.

« Nous sommes d’accord. », convient Lawrence tout en marchant rapidement, mais pas trop, histoire de ne pas semer la chasseuse non plus. De toute façon, l’autre vampire semblait avoir ralenti. « Qui eût cru que nous nous trouverions un point commun. Qu’est-ce que tu en penses ? »

L’homme ricane tout en jetant un regard en coin à la demoiselle. Elle était jolie. Il aurait bien bu à son cou… Mais elle ne le laisserait pas faire, n’est-ce pas ? Il aurait eu ses chances de réussir et s’en tirer sans égratignure, mais pas question de tenter le diable. Il y avait des risques liés à cette entreprise délicate. Des risques qui ne valaient pas le coup. Ils arrivent à destination. Elle semble hésiter. Mais finalement, elle se désigne et Lawrence a un simple signe de la tête. Il la laissait gérer. De toute façon, il préférait ça. C’est intéressant, néanmoins et son regard noir ne la quitte pas une seule seconde. Depuis qu’ils étaient ensemble, il entendait son cœur. Le sang pulsant dans ses veines. Il le sentait. Mais elle se forçait au calme. Les battements étaient moins rapides. Le sang se promenait plus lentement. Elle était professionnelle, malgré tout ce qu’il voulait bien dire, bien faire croire…

Il la laisse faire, certes. Mais le Chinois s’approche. Il ne voulait pas en perdre une miette. Il fallait connaître ses ennemis, après tout. Alors il reste dans l’ombre, mais il observe avec attention. Il n’intervient pas lorsque la chasseuse se fait blesser. Ne tique pas. En 1200 ans, il a aussi acquis assez de maîtrise de soi pour ne pas relever l’odeur du sang qui s’élève dans l’atmosphère autour d’eux. Le vampire qu’elle attaque, un vrai déchet qui leur faisait honte, semble plus affecté que lui. Elle ne le voyait peut-être pas, mais lui le remarquait. Pourtant, il ne semblait plus être un jeune vampire… Lawrence grimace alors que ce dernier parle à nouveau des enfants. Quel tordu… Un tordu qui ne s’en tirerait pas. Même s’il réussissait à tuer la chasseuse, Lawrence ne le laisserait pas partir. Mais voilà… elle l’accule. Ça amuse un Lawrence qui s’approche finalement, restant néanmoins derrière elle.

« Laisse-la faire. », recommande-t-il. Certes, c’était beaucoup demander. L’instinct de survie était fort chez les vampires. Peut-être encore plus que chez les humains… Ils avaient plus long à défendre en terme d’espérance de vie. « Tu peux lutter encore. Mais c’est le Conseil qui t’attend au détour et la sentence ne sera pas plus agréable… tu le sais. »

Lawrence observe un long moment le visage du fauve. Ce dernier ne semble pas prendre ses mots au sérieux, malgré la prestance du Chinois. Ce dernier s’amuse de ce manque de foi en ses mots. Ah…

« Tu as devant toi le nouveau membre du Conseil des Cinq. »

Un mot chinois suit sa phrase. Une insulte à l’intelligence de la bête. Quant à Hye Won, Lawrence lui demande, un peu dédaigneux :

« Alors ? Qu’est-ce que tu attends, chasseuse ? »

Qu’elle le fasse puisqu’elle en avait tant envie…

Lawrence ne peut retenir un rire entre grincement et approbation, un mélange particulier qu’on ne pouvait comprendre que quand on savait très exactement ce qui les unissait. Ou les séparait, dans ce cas-ci… L’ennemi de son ennemi… Ça faisait de lui son ami ? N’exagérons pas. Lawrence aurait bien ouvert les lèvres pour calmer les ardeurs de la demoiselle, qui avait au moins réussi à le surprendre par l’audace et l’optimisme de sa réflexion. Il ne la croyait pas capable d’une telle chose. Néanmoins, elle rectifie elle-même les faits avant même qu’il ne réponde et à nouveau, Lawrence a ce petit rire bref, moins grinçant cette fois peut-être. D’accord. Il voulait bien admettre qu’il détestait cette chasseuse et qu’elle le lui rendait bien. Mais il allait devoir admettre aussi qu’ils avaient un peu trop de ressemblances pour que ce soit innocent… Ça, il n’allait pas le dire à voix haute, par contre.

« Je suis d’accord. », murmure simplement le vampire sur un ton feutré qui se mariait bien à la nuit les emprisonnant, cassée uniquement par les lampadaires clignotants qui éclairaient mal les ruelles qu’ils longeaient. « Avec tout ce que tu viens de dire. »

Que l’Ordre méritait de tomber. Qu’ils n’étaient ni amis, ni alliés. Mais qu’ils avaient aussi les mêmes buts. Ça, ainsi que la chasse au vampire tueur d’enfants, seront probablement leurs seuls terrains d’entente à vie. Qu’ils en profitent pendant que ça se présentait. Le moment serait de courte durée. D’ailleurs, il était déjà terminé. Le combat avait été acharné, mais la fin est nette et rapide. Le vampire devient cendre et comme à toutes les fois que cela se produisait sous ses yeux, Lawrence détourne brièvement le regard, répugné et peut-être un brin terrifié par cette fin abrupte et insignifiante. Il ne pouvait se résoudre à se dire qu’il allait lui aussi un jour devenir cendres et rien de plus après plus d’un millénaire de vie… Mais il serait fou d’ignorer plus longtemps la chasseuse et à nouveau, le vampire pose son regard automnal sur elle. Il réalise faire l’objet d’un examen approfondit cette fois. Rien qui n’augurait quelque chose de bon.

La paix ? Lawrence penche légèrement la tête sur le côté, sérieux et songeur. Pourquoi parlait-elle de paix ? Elle liait le concept à certains membres du conseil, mais lui ne peut qu’en voir un. C’était peut-être à quelqu’un d’autre qu’elle pensait. Peut-être songeait-il plus facilement à Yuan de par leur affiliation. Sûrement, même.

« Fan Yuan aurait-il traversé ton esprit à cet instant ? », demande-t-il avec une curiosité teintée d’urgence. Il n’aimait pas qu’une chasseuse aussi hargneuse ait potentiellement ce nom aux lèvres et ce même si seule, elle ne saurait jamais s’attaquer à un soldat aussi aguerri. « Je connais Yuan depuis plus d’un millénaire. Il ne prétend jamais être ce qu’il n’est pas. S’il t’a parlé de paix, c’est qu’il parlait de paix. Tu es encore là, après tout… »

Il a un rire railleur, mais feutré lui aussi lorsqu’elle lui fait l’immense plaisir de le laisser en vie pour cette nuit. Quelle mansuétude. Comme si elle pouvait faire quoi que ce soit contre lui dans cet état…

« Tu es bien prétentieuse, Lim. », fait-il remarquer, laissant néanmoins transparaître un brin d’admiration dans sa voix cette fois. Point trop n’en faut. Mais elle avait quelques qualités qu’il pouvait admettre apprécier. Les défauts étaient tout simplement trop grands pour qu’il puisse en faire quoi que ce soit. « Tu devrais commencer à donner aux membres du conseil qui le méritent un peu de respect. La paix, n’est-ce pas quelque chose à quoi tu peux aspirer ? »

Il y a un moment de silence ponctué par un vent frais qui se joue les longues mèches de Lim. Ah… non…

« Non, bien sûr que non. Tu veux la guerre. Comme moi. », murmure doucement le vampire, ayant compris quelque chose, sans pouvoir mettre le doigt dessus avec assurance. Ça viendrait. Disons qu’ils étaient deux électrons libres qui n’appréciaient pas le monde tel qu’il l’était présentement et qui étaient capables recourir à la guerre si nécessaire. « Ce monde ne tourne pas rond. L’équilibre ne lui sied pas. »

Une menace voilée contre l’Ordre, au moment même où Lawrence fait quelques pas vers l’arrière, tout prêt à ne pas traîner davantage dans les parages et pourtant, attendant d’avoir quelques réponses à ses questions et affirmations…

Valait probablement mieux qu’elle ne cherche pas Yuan, d’ailleurs. Certes, ça ne rassurait pas Lawrence de savoir que son père vampirique était potentiellement dans la mire des chasseurs de cette ville… mais il ne croyait pas qu’un seul d’entre eux, tout aussi intelligent et combattant soit-il, puisse venir à bout de ce guerrier d’une autre époque. Ce qui ne signifiait pas que la perspective qu’ils le cherchent lui plaise… Elle lui pose ensuite une question qui méritait sûrement d’être posée. Était-elle rhétorique ? Lim doutait-elle qu’un vampire puisse sacrifier les siens pour la paix ? Si elle croyait globalement que c’était impossible, c’est qu’elle n’avait jamais rencontré Tian, de toute évidence… Mais Yuan ? Non. Yuan ne sacrifierait jamais les siens pour la paix et c’était aussi une des raisons pour lesquelles cet homme était un des cinq conseillers vampiriques… S’il ne pouvait préserver sa race, il n’aurait pu être là. Dans le fond, Lim Hye Won le savait probablement ou du moins, elle s’en doutait fortement.

Mais Lawrence n’allait pas confirmer ce qu’elle pensait sûrement déjà. Il n’allait pas mettre Yuan dans l’eau chaude. Moins elle avait d’informations à son sujet, de toute façon, mieux c’était. Par contre, elle lui arrache une grimace rageuse à la suite. Ses poings se referment légèrement… puis plus fermement alors qu’il se crispe. Mais son air reprend rapidement le détachement habituel dont il faisait preuve, teinté d’une froideur que Lim méritait entièrement.

« Comme si ça te regardait. », grogne-t-il, se sentant obligé de défendre son père vampirique, bien que ce lien n’ait pas été mis à jour et qu’il ne compte pas l’annoncer. Elle semblait néanmoins avoir conscience qu’ils avaient des points communs. Lawrence ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose… mais c’était indéniable. Ils avaient néanmoins beaucoup de différences aussi… et un sourire mauvais étire lentement ses lèvres. « Que donnerais-tu une fois vampirisée ? »

Oh, elle n’allait pas aimer ça… mais lui trouvait cette situation très drôle et c’était une façon de terminer cette rencontre sur un point pour lui. Il voulait l’ascendant, c’était évident… En fait, il ne le voulait pas tant qu’il en avait besoin, comme s’il avait besoin de prouver quelque chose. À elle. À lui-même. C’était bien ça, le pire, en fait… Lawrence a un dernier petit sourire sans joie, amer et mauvais… Et finalement, il tourne les talons et, surtout, le dos à Lim pour la première fois. Mais la vitesse à laquelle il part l’empêcherait de toute façon de faire quoi que ce soit contre lui.

« Saleté de chasseuse… », marmonne l’homme entre ses crocs.

Cette soirée avait été particulière. Il allait devoir avertir le Conseil de cette chasse, sans entrer dans les détails néanmoins. Et peut-être allait-il mettre en garde Yuan contre cette petite peste. Qui sait ce qu’elle allait faire si elle décidait réellement de prendre les armes contre lui. C’était une belle petite plaie. Elle saurait trouver la façon de convaincre des chasseurs idiots et machistes de la suivre…