En plein milieu de son processus de reconstruction, quelque chose l'a frappée en plein cœur. Cela l'a profondément déstabilisée. Elle déposait des toiles à la galerie Lee quand elle l'a croisé. Cela n'a été que fugace, tellement rapide qu'elle n'a pas été sûre d'elle. Mais cette silhouette entre plusieurs autres, elle aurait juré voir Tae Hwan. Impossible. Mais... Troublant. Elle le voyait tout le temps au début. Juste après sa mort. Mais cela s'est estompé, et cela faisait plusieurs mois que ce n'était plus arrivé. Alors Se Jin est sûre que ce n'est pas une réminiscence de deuil. Pourquoi donc ? Alors qu'elle va mieux, cela n'a pas de sens.

Car c'est le cas, elle va mieux. Un nouvel appartement, un travail stable, et même des toiles bientôt exposées à la galerie Lee. Elle a déposé à la galerie toutes les toiles que Min Ho a choisi lors de leur première rencontre. Il n'y a plus qu'à attendre qu'elles soient exposées, ce qui ne devrait plus tarder. Se Jin se rend compte que les choses n'ont jamais été aussi bien depuis longtemps. Se Jin avance. Elle se reconstruit d'une certaine façon. D'une façon différente de ce qu'elle aurait pensé, mais ce n'est pas forcément plus mal. À présent, les rires d'enfant emplissent la solitude, et cela la perturbe encore un peu parfois. Tout comme les petits pieds froids qui se plaquent contre elle, en plein milieu de la nuit quand il se réveille d'un cauchemar et vient la rejoindre dans sa chambre.
Se Jin n'a toujours pas averti la protection de l'enfance. Elle a demandé à un enquêteur de vérifier si l'enfant a de la famille, et il n'a rien trouvé. Cela valait l'investissement. Elle garde les informations précieusement. Mais avant d'aller signaler la présence de Min Ki chez elle, elle voudrait qu'ils soient bien établis. Ainsi, elle a investi dans quelques jouets supplémentaires, a continué à agrémenté la garde-robe du petit. Mais cela va devoir s'échelonner. Elle continue à l'emmener dans les braderies pour trouver des choses d'occasions, et regarde souvent les petites annonces pour trouver des gens qui donnent ou vendent des vêtements et jouets pour enfant de son âge.

La jeune femme voudrait que tout soit bien développé pour l'évaluation. Elle aimerait que ses toiles soient exposées, pour que les professionnels voient qu'elle est bien établie dans une vie professionnelle stable. La boutique, plus son art. Et elle se doute qu'ils viendront ici, et il faut que l'appartement ait l'air d'un véritable lieu de vie, d'un endroit chaleureux et accueillant. Pas forcément aussi parfait qu'un catalogue ikea mais un peu plus rempli qu'il ne l'est actuellement. Et elle ne veut pas investir l'argent mis de côté par son jumeau, histoire de l'avoir sous le coude en cas de gros problème, donc elle doit faire avec sa paye - plus que raisonnable, mais bien entamée par le loyer de cet appartement - et les quelques revenus qu'elle génère encore certaines nuits, en attendant d'avoir des revenus de la galerie. Et Min Ki est gardé par une nounou, qui lui donne quelques petits cours histoire de l'habituer à rester à une table pour apprendre des choses comme il le fera à l'école, et par la mamie qui vivait au-dessus de son ancien appartement, ravie d'avoir encore de la compagnie. Se Jin essaie de solliciter un peu moins les gamins des rues pour que Min Ki puisse aussi s'autoriser à grandir sans eux, à s'intégrer dans une nouvelle vie. Ce n'est plus un orphelin maintenant, même s'ils ne sont pas encore tout à fait une famille. Et elle ne veut pas que les autres s'attachent trop à elle, car elle ne pourra pas tous les adopter. C'est difficile pour elle, de se détourner. Elle continue à essayer de les aider au mieux.

Mais voilà. Un fantôme a ressurgi, et Se Jin a besoin d'en avoir le cœur net. Elle est passée à la galerie plusieurs fois. À différents moments de la journée, sans entrer, juste à surveiller les allées et venues, même la nuit. Et d'ailleurs, ce soir, il fait nuit noire, et sans les lumières de la ville, elle n'y verrait rien. Elle attend devant la galerie, une dose de crysalis dans les veines, parce qu'elle a pu se permettre de le faire. Et finalement, son attente paye. Se Jin n'en croit pas ses yeux. Bien callée dans l'ombre d'une devanture en face de la galerie, elle voit un jeune homme sortir de la galerie et ce jeune homme ressemble trait pour trait à son frère jumeau. Mais il est mort dans cet incendie... Il s'éloigne, main dans les poches, alors elle le suit. Et quand il tourne dans une rue, elle presse le pas et l'attrape par le bras pour le tourner. Elle a besoin d'en avoir le cœur net.
Elle est frappée en plein cœur. Sous le choc du visage qu'elle découvre à présent si prêt qu'elle n'a plus aucun doute, elle recule d'un pas. Son cœur cafouille dans sa poitrine, et elle a un vertige. Elle cligne des yeux plusieurs fois avant de finalement dire : « Tae... Tae Hwan ». Elle hésite. Elle doit rêver. C'est impossible. Cela ne peut pas être lui. Elle dit encore : « Est-ce que c'est toi ? ». Elle fronce les sourcils : « C'est impossible.. Les policiers, ils ont dit que tu étais mort dans l'incendie... Ils ont retrouvé tes affaires là-bas... ». Elle le regarde, sans savoir comment se comporter. Se Jin est perdue. Elle reconnaîtrait son frère jumeau entre mille, même les yeux fermés, mais.. ce garçon ressemble à Tae Hwan, vraiment, mais il a aussi quelque chose de différent, de changé. Peut-être est-ce simplement un sosie, peut-être va-t-il lui dire qu'il ne la connait pas. Mais elle ne le croirait pas. Impossible. Tout en elle lui hurle que son frère jumeau est là bien vivant. Mais... mais alors quoi ? Pourquoi s'est-il fait passé pour mort ? Pourquoi a-t-il disparu comme ça ? Sans jamais plus donner de nouvelles ? La douleur qui lui vrille le corps entier est presque insupportable, mais elle ne bouge pas. Elle le regarde, n'osant même pas fermer les yeux de peur qu'il ne disparaisse à nouveau.

Il y a bien des choses que l'on pourrait juger de logique dans ce monde où tout n'est pas toujours simple. On aurait pu dire, assurer à Tae Hwan que les blessures se soignent au fil du temps, qu'on oublie toujours ce par quoi on passe et quelle que soit cette blessure. Le jeune Coréen rirait au nez de celui qui oserait lui dire une telle phrase ! Les blessures aussi profondes que les siennes ne se refermeront jamais. Il le sait trop bien. Il ne pourra jamais oublier la nuit où il a découvert le corps inerte de son amant et encore moins la douleur qui s'ensuivit. Depuis l'aide de son père adoptif, Min Ho, pour l'enterrement décent de Kyu, Tae faisait encore des cauchemars. Il lui arrivait de se réveiller en sursaut, s'attendant à voir Kyu près de lui. La vengeance le rongeait alors, l'empêchant de se rendormir. Le seul soulagement était celui d'imaginer celle qu'il aurait pu infliger ... L'envie de continuer à avancer avait donc été difficile. Il avait beaucoup maigri les premiers jours, refusant de boire le sang que lui apportait encore Min Ho. Tae se refusa de sortir du silence dans les premières semaines. Comme devenu muet, il ne sortit plus de sa chambre non plus sauf pour aller sur la tombe de celui qu'il avait aimé. Il avait évité le chemin qui pourrait le conduire à la vengeance. Sa force, il la connaissait. Tae savait qu'il pouvait combattre celui qui était devenu son ennemi. Seulement, il avait promis à Min Ho de ne rien faire et quand le jeune garçon promettait, il tenait sa parole.

Rien ne présageait ce qui allait se passer en cette nuit qui n'allait pas tarder à tomber. Rien n'aurait pu lui faire ressentir ce qui l'attendait. Depuis trop longtemps Tae s'était niché dans ce qu'on pourrait appeler le "déni". Refuser de voir, d'entendre. Aurait-il pu ressentir tel un vampire plus âgé certaines choses de la vie, celles invisibles aux yeux humains ? Tae ne le savait pas et ne posa pas la question à Min Ho. Pourtant ! Grace à l'aide de ce dernier, il remonta la pente aussi difficile fut elle. Tae Hwan n'oubliait pas certes, mais il avait retrouvé un semblant de vie de vampire. Il se nourrissait de nouveau, s'était fait une nouvelle coupe, avait de nouveau des conversations enfin, quelque chose qui pourrait faire comprendre que le jeune Coréen était revenu à la réalité, au monde actuel. Celui où il faut se battre et ne pas baisser les bras.

Ce soir-là, il avait décidé de sortir. Envie de s'approcher de son ex-amant, de lui parler même si celui-ci ne l'entendait plus. Cela faisait déjà quelques nuits où il se réfugiait devant la tombe de Kyu. Il lui parlait, pleurer encore de temps en temps, se maudissait de ne pas l'avoir secouru et ... aurait voulu rester là jusqu'à l'aube ... ne plus bouger et mourir au soleil levant. Seulement, il y avait cette autre force qui le gardait fort et responsable de ne pas aller au-devant de choses insensées. Il y avait sa sœur, Se Jin. N'avait-il pas demandé de vivre pour la revoir et la protéger ! ... Ce soir-là, il sortit comme à son habitude, à la même heure parce qu'il avait promis à Kyu ce rendez-vous éternel et ce, chaque nuit que ferait sa vie vampirique. C'est alors qu'il tourne dans une des rues le menant vers le chemin adéquat, qu'il sent une main se poser sur son bras. Il se retourne et il ne sait pas comment réagir. Tout va trop vite, tout est comme dans un rêve. Se Jin est là et il voit bien qu'elle est réelle. Elle lui parle, il la regarde

- Pourquoi ? Tu es déçu de me voir ? De voir que je suis encore vivant ? Tu crois que ... Tae se tait quelques secondes, eh bien je ne suis pas mort comme tu peux le voir, ses premières phrases peuvent sonner comme un reproche, c'est parce que tu m'as oublié ?

Peut-on ressentir tant de souffrance alors que l'on ne vit plus ? La question pourrait se poser.

" J'ai donné ma vie pour toi ! J'ai demandé que l'on me fasse vivre pour toi ... Pourrais-tu me reprocher d'avoir menti ? De m'être camouflé deux ans durant ? J'aurais pu me passer de tout ça, de perdre Kyu, de vivre dans ce corps mort pendant tout ce temps  ... "

Tae Hwan a eu de telles pensées parce qu'il pense que ce qu'il est devenu a été chose vaine, que sa sœur pourrait tellement lui reprocher de choses maintenant qu'elle le retrouve ! Il recule, la regarde et essaie de voir leur discussion tout autrement, mais il ne sait pas ... il ne sait plus. Trop d'années sont passées et si ce n'est que deux ans, c'est déjà trop ! Il ne lui est pas difficile de ressentir. Sa sœur jumelle sent l'amande amère, elle sent ce qu'il connaît comme de la Crisalys qui lui ferait du mal si l'envie venait à vouloir la mordre. Tae serre les dents. Il pense à Min Ho, il voudrait tellement que ce dernier soit là ! Bien évidemment que Tae a toujours besoin de lui et pas que pour l'aider ... Min Ho, c'est quelqu'un d'important pour le Coréen. Il fixe Se Jin. Que pourrait-il dire qui viendrait à leur faire plus de mal à l'un comme à l'autre ?! Que pourrait-il ajouter ? En reculant, Tae se heurte à quelque chose au sol et tombe

- N'approche pas s'il te plaît !

Le jeune garçon recroqueville ses jambes vers son corps, met ses mains devant lui comme pour laisser un espace entre sa sœur et lui ce qu'il trouve sécurisant pour elle, mais surtout bien plus pour lui. Se Jin pourrait-elle imaginer ? Savoir ce qu'il est devenu dans sa façon de réagir ? Tae Hwan ne le sait pas, mais ces questions aussi pourraient être posées !

Improbable. Elle a tellement cru le voir dans les rues à la suite de sa mort. Combien de fois a-t-elle suivi un inconnu, persuadée d'avoir reconnu son frère, pour finalement être déçue de voir se retourner un visage qui n'était pas le sien. Blessée, mais dans le fond pas vraiment surprise. Après tout, Tae Hwan était mort. Et la mort était irréversible. Se Jin a poursuivi dans la rue des dizaines d'hommes, elle a cru le voir un millier de fois, comme l'autre jour dans la galerie. Elle n'aurait même pas dû attendre. Elle n'aurait même pas dû le chercher. Après tout, la mort emporte tout. On n'en revient pas. Pourtant, une part d'elle, un peu irrationnelle et toujours en proie à une souffrance indescriptible d'avoir perdu son autre moitié a pris le contrôle. Pour la pousser à fouiller, à guetter. À le chercher, encore. Alors qu'elle n'aurait sans doute pas dû. Elle aurait dû continuer à avancer sans lui, à se remettre.

Et la voilà, dans une ruelle. Sidérée. Sidérée de voir un être cher censé être mort debout devant elle. Il la regarde. C'est presque irréel. Elle se pince, pour voir si elle est bien réveillée. Parce qu'elle pourrait presque se croire dans un rêve tant cela paraît dingue. Il se tient là, et il lui parle. Il lui parle comme quelqu'un de bien vivant. Sa voix résonne dans les oreilles de la jeune femme, trouve son âme. Cette voix, elle la reconnaîtrait entre mille. Il lui parle en réponse à ce qu'elle vient de dire. Il pose des questions. Atteste de sa non mort, de sa vie, de son état éveillé et conscient. Puis pose une autre question. Elle met quelques secondes pour réagir. Quelques secondes pour comprendre ce qui se passe, ce qu'il lui dit. Elle penche la tête et répète : « Déçue... ? ». Elle fronce les sourcils et répète encore : « Oublié ? ». C'est une impression si étrange. Comme un voile de brouillard qui étouffe tout. Un froid glaçant et une barre de fer enserrant tout son être. C'est tellement oppressant. Beaucoup trop dur, elle a du mal à respirer, son cœur continue à être confus. Elle ne sait pas tellement comment réagir à tout ça.

Puis finalement, c'est la colère qui prend le pas. Elle répète à nouveau : « Oublié ? ». Elle claque de la langue et demande : « Tu crois vraiment que j'aurais pu t'oublier ? ». Elle s'apprête à continuer sur sa lancée, agacée parce qu'il vient de dire. Toutes ses questions si idiotes. Mais bon sang que croit-il ? Croit-il qu'elle a vécu deux belles années heureuses et équilibrées ? Non ! Non bien sûr que non ! Et cela la révolte de le voir là, debout dans une ruelle, à lui dire que non, il n'est pas mort comme elle peut le voir. Mais elle n'a pas le temps de reprendre la parole. Il recule, heurte quelque chose et tombe. Son cœur loupe un battement alors qu'elle le voit tomber, et même si elle est en colère, son premier réflexe est de s'approcher pour l'aider. Mais il réagit très vite et se ramasse sur lui-même en tendant les mains vers elle.

Elle s'arrête et le regarde. Elle est perdue. Elle ne comprend pas ce qui se passe. Et étrangement, elle a l'impression qu'elle ne devrait pas être là. Qu'elle devrait être ailleurs. Pas en la compagnie de son frère pseudo-mort, mais de quelqu'un d'autres. Elle se surprend même à regarder autour d'elle, pour voir s'il est là. Sans arriver à déterminer si c'est de la peur, la peur de le voir débarquer fou furieux et de tomber sur Tae Hwan pour le tabasser, ou l'espoir qu'il soit là, pour lui offrir un soutien même si c'est un soutien un peu particulier. Mais il n'est pas là. Ou il ne souhaite pas se mettre en évidence. « Où est-ce que tu étais ? ». Elle le regarde. Elle penche la tête. Elle se détourne et commence à faire le cent pas. Puis après quelques minutes, elle se tourne à nouveau vers lui et demande : « Mais... Bon sang ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi est-ce qu'on nous a dit que tu étais mort ? Qu'est-ce que tu as fait pendant deux ans ? ». Elle le regarde, croise les bras, s'énerve un peu tendue à l'extrême et finalement recommence à marcher. Elle reste encore silencieuse quelques instants et demande : « Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? ». Elle se passe une main sur le visage, puis dans la nuque. Vraiment, il y a quelque chose de très étrange. Il est parti, il n'a pas donné signe de vie. Elle ne sait pas vraiment comment se comporter, comment ressentir les choses. Avoir de l'espoir ? Être heureuse ? Continuer à être en colère ? Il lui a tellement manqué. Et en même temps, tout ce qui la frappe là, c'est qu'elle a fait fuir son frère jumeau et attiré une espèce de psychopathe accroc à elle. Bon... c'est peut-être un peu dur pour Meng. Mais tout de même. Elle aurait sans doute dû rester avec Min Ki finalement.

Tout ce que Tae Hwan a ressenti en la voyant là, devant lui, a été perdu dans une foulée de paroles confuses et il ne semble pas pouvoir revenir en arrière. Pourtant, l'envie de la serrer dans ses bras avait été tellement forte ! L'envie de lui dire qu'il l'avait toujours aimé comme avant, tels des jumeaux liés par ce quelque chose que personne d'autre n'aurait pu comprendre si ce n'est qu'eux ... Tae aurait tellement voulu dire tout ce qu'il avait sur le coeur ! Venir à expliquer qu'il est un vampire semblerait alors sortir d'anciens contes que l'on raconte et que l'on ne croirait pas. Que les vampires existent réellement et que la crysalis qu'il sent en elle est loin de le rassurer ! Tae a laissé tomber ses mains contre son corps et cherche à se relever pour faire face à sa soeur jumelle. Aux premières paroles de Se Jin, les réponses deviennent tellement plus logiques et sensées à exprimer avant que ne vienne l'irréversible ! Les pensées du jeune Coréen défilent rapidement dans sa tête

" Non bien sûr que non ! Tu n'aurais pas pu m'oublier, mais tu aurais pu effacer des souvenirs de nous en rencontrant tellement de monde pendant ces deux années ! Et puis, la douleur ne s'estompe-t-elle pas ? N'oublie-t-on pas ? Nous ne pouvons vivre avec les morts, ce n'est pas ce que l'on dit. "

Des mots les uns derrière les autres qu'il a du mal à prononcer. Tae aurait pu tellement en ajouter, dire les moindres de ses pensées. Si Min Ho n'avait pas été là, il serait vraiment mort, mais comment dire ça ?! ... ou était-il ?

-  J'étais là, j'ai toujours été là. Tu ne me voyais simplement pas

Se Hee ne le voyait pas du moins jusqu'à ce qu'elle le retrouve. Une pensée tout à fait logique qui traverse l'esprit du Coréen. C'est tellement sensé !! Comment voir cela autrement ! Se Jin avait dû le chercher ou le voir dans des rêves étranges ... n'est-ce pas ainsi quand on est si proche l'un de l'autre ?! N'avait-elle pas ressenti le danger ... sa mort qui n'eut pas lieu ... et des questions, encore des questions qui devaient avoir des réponses

- Non ! Tu n'as rien fait de mal ! Crois-moi le seul fautif s'il y en avait un, c'est moi. Je suis désolé d'avoir caché mon existence, si tu savais combien ...

Et pourtant c'est ce qu'il fallait faire. Les prochains mots ne peuvent sortir. Faire front à sa sœur jumelle n'est pas chose facile. Lui expliquer les raisons de son absence n'est pas plus simple d'autant plus qu'il sent sa colère. Comment expliquer tout ceci ? Dire la vérité ? Ne rien cacher sans lui faire peur ? Se Jin sait-elle que les vampires existent vraiment ? Cette dernière question devrait tout à fait faire l'objet d'une discussion approfondi dans un espace-temps illimité. Sauf que voilà, du temps, ils n'en ont pas. Tae doit savoir ce qu'il faut dire

- Il était mieux que tu penses à ma mort pour une raison tout à fait évidente. Quant à ce que j'ai fais depuis deux ans ... j'ai fais ce qu'il fallait pour revenir en forme et passer une épreuve des plus difficiles. Ne pense pas que cela a été un plaisir de me cacher

En premier lieu il fait allusion à quelques promesses qu'il avait donné et qu'il n'avait pas effacé pour des raisons liés à sa deuxième vie. Une peine, celle d'avoir perdu Kyu, ce qui l'avait anéanti un moment et dans tout ça, un espoir de pouvoir se reconstruire. Se Jin peut tout à fait comprendre ça s'il le lui dit. Enfin, elle le connait, non ! Contrairement à ce que l'on pourrait croire, lui en vouloir viendrait à rendre Tae susceptible de redevenir le rebelle qu'il était avant. Redevenir celui qu'on ne pourrait pas contrôler avec l'impossibilité de le retenir et le voir finalement partir à la recherche d'une vengeance qui serait difficile à contrôler. La seule qui lui viendrait en tête : Ja.

- La Crysalis, ça ne te dit rien ?!

Tae Hwan qui s'est enfin redressé, regarde sa sœur droit dans les yeux. Une question ? Une affirmation ? Allez savoir ! ... Finalement, que pourrait répondre Se Jin qui sent l'amande amère à cette question à laquelle elle ne s'attend sûrement pas ! ...

C'est comme revenir en arrière. C'est comme être renvoyée dans un passé dont elle n'a jamais voulu et qu'elle a pourtant été forcée à vivre. Un passé empli de douleur et de froid. D'une solitude si grande. Pourtant, elle n'a jamais vraiment été seule. Il lui restait ses parents. Et surtout ses amies. Les deux filles ne l'ont jamais laissées tomber. Elle s'est même fait quelques nouveaux amis. Mais rien qui ne le remplace. Parce que personne ne le pourrait. Cette douleur ne l'a jamais vraiment quittée. Elle l'a enserrée d'une façon continue plus ou moins intense, plus ou moins diffuse. Mais jamais disparue. Apaisée, ces dernières semaines, grâce au regard enfantin de l'enfant qui s'est invité chez elle et qu'elle ne peut pas se résoudre à laisser partir. Mais à cet instant, elle est percutée par toute cette douleur, accumulée au fil de ces deux longues années.

Il se tient debout devant elle. Elle le regarde, elle ne fixe qu'un fantôme. Le fantôme d'un être qu'elle a connu. Qu'elle a aimé plus que n'importe qui d'autre. Plus qu'elle n'aimera jamais personne d'autre. Mais elle a l'impression de ne pas le connaître. Parce que le voir vivant, là, en face d'elle signifie que pendant deux ans, il l'a abandonnée, laissée livrée à elle-même et la souffrance. Est-ce que ça lui a fait mal à lui aussi ? Qu'est-ce qui lui est passé par la tête ? Si on le lui avait demandé, elle aurait juré qu'il n'aurait jamais été capable de l'abandonner. Malgré leurs différences, elle aurait tout misé sur leur lien indestructible. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Elle ne sait pas vraiment. Elle le regarde, là, et elle a l'impression de ne pas le reconnaître. Dans le fond, c'est un peu triste. Elle a du mal à savoir ce qu'elle veut, ce qu'elle attend. Peut-être devrait-elle juste rentrer chez elle. Elle a une nouvelle vie à présent, une vie qui s'est stabilisée malgré de nombreux déboires.

Il parle. Il s'explique. Il était là, mais elle ne le voyait pas. Peut-être que si. Toutes ces fois où elle l'a vu, peut-être était-il vraiment là, parfois. Elle n'était peut-être pas si folle que ça. Elle retient un soupire, et reste immobile, là, à le regarder. Difficile de dire si elle est transie de froid ou si elle est transie de douleur. Sans doute un peu des deux. Elle aimerait être rayonnante, débordante de joie. Mais elle a l'impression d'être dans un rêve. Un rêve dans lequel elle profite d'un moment de bonheur sans limite qui s'efface au réveil. Il lui parle d'une épreuve et du fait qu'il ait été forcé de se cacher. Elle le regarde sans vraiment comprendre. Absolument rien ne pourrait justifier ça. Enfin, elle n'en a pas l'impression. Lorsqu'il pose la dernière question, elle le regarde puis recule d'un pas sous le choc de ce qui s'impose à elle. Puis elle baisse les yeux songeuse, perdue, avant de le regarder à nouveau. « Pourquoi tu ne m'as pas appelé ? ». Elle le regarde simplement. Il aurait pu l'appeler. Lui dire qu'il devait quitter la ville quelque temps, mais rester en contact avec elle. Par texto. Par mails. Par appel. Elle aurait été un peu en colère, elle n'aurait peut-être pas tout compris, mais au moins elle aurait pu continuer à lui parler.

Finalement, elle commence à faire les cent pas, en soupirant un peu avant de dire : « J'aurais dû insister. C'est ma faute tout ça. Tu n'aurais jamais dû te retrouver dans toutes ces histoires ». Elle réfléchit à haute voix plus pour elle que pour lui. « Tout ça, c'est complètement fou, ça n'aurait pas dû arriver ». Elle se frotte une main sur le visage, à nouveau, puis s'arrête de marcher. Un instant, le silence laissé par l'absence du bruit de talon semble prêt à les engloutir tous les deux. Puis, les bruits de la ville non loin leur parviennent à nouveau. Elle se tourne vers lui. Elle lui demande : « Qu'est-ce qui t'est arrivé ? ». Se Jin a besoin de réponses. Elle a besoin de certitudes aussi. Elle veut être sûre qu'elle a bien compris ce qu'il a sous-entendu. Se pourrait-il qu'il soit... qu'il ait été... enfin... Elle le regarde, elle le détaille et elle cherche à le voir, mais bien sûr ce n'est pas écrit sur son front. Elle finit par dire : « J'ai passé tellement de nuits à essayer de comprendre ce que tu leur trouvais, ce que tu as cherché auprès d'eux... » elle baisse les yeux à nouveau. Se Jin s'est sentie coupable à l'instant où elle a compris dans quoi son frère s'était retrouvé entraîné. Elle s'est sentie responsable de ça, et surtout de sa mort. Comme si finalement, elle n'avait pas pu lui suffire. Et surtout, comme si elle avait été la cause de tout cela. Trop fragile pour affronter la vie à Séoul. Elle savait que son frère était en colère contre leurs parents ne faisant rien pour elle. Mais tout ce qu'elle a finalement réussi à se dire après sa mort, c'est qu'elle n'aurait pas dû avoir besoin de leur aide. Si elle n'en avait pas eu besoin, il n'aurait pas fini comme ça. Encore aujourd'hui, alors qu'elle en a passé des nuits et des nuits à arpenter les rues de la ville, à croiser les regards brumeux des drogués en manque, ou des jeunes voulant essayer de nouvelles expériences, elle se sent coupable. Et surtout, elle ne comprend toujours pas ce qu'il a trouvé. Parce que dans le fond, elle, elle n'y a rien trouvé de plus que la peine, et la solitude.

Des mots, des phrases ... Des questions, des réponses, se sentir coupable, se comprendre ou non et des reproches qui finiront par arriver ... Tout ceci semble ne jamais finir. Les hommes sont-ils donc enclins à se comporter ainsi ! Les hommes ne peuvent-ils pas pour une fois, se comporter de façon à arrêter les incessants conflits dont ils sont coupables ou pas ! Tae Hwan a pu se relever, mais il se sent toujours aussi impuissant. A-t-il eu raison de demander la vie éternelle ? A-t-il bien fait de faire tout ce qu'il a fait ? Il n'en sait plus rien, perdu dans un je-ne-sais-quoi de questions qui auraient tellement de réponses ! Comment doit-il réagir maintenant ... doit-il dire la vérité ? Appeler sa sœur aurait-il été plus simple pour ne pas avoir à répondre à toutes les questions qui sont posées ! Oui, il aurait pu appeler Se Jin seulement, il ne pouvait pas. Tae Hwan le lui dit, affirme qu'il aurait voulu le faire. Il lui dit une seconde fois. Sa réponse peut-elle être prise en compte ? Il allait parler quand sa sœur anticipa sur une phrase qu'il se refuse d'entendre

- Non, ce n'est pas ta faute

Se retrouver là où ils en sont tous les deux n'aurait pas dû arriver en effet, mais c'est fait et malheureusement, on ne peut jamais revenir en arrière. Triste situation que celle-ci, mais jamais irrémédiable. Ces histoires comme Se Jin vient de le dire, ont été une suite d'un tas de problèmes. Et puis, il y avait eu le fric et ce gars qu'il avait aimé : Kyu-hyun. Se Jin n'était pas exclue, elle était première sur la liste alors, au risque de se répéter, Tae se lance dans ce qu'il n'a jamais fait jusqu'ici : ouvrir enfin les portes du silence dans lesquelles il s'était enfermé depuis trop longtemps. Du moins, en ce qui sa sœur concerne car qui était au courant si ce n'est Min Ho

- Ce qui m'est arrivé ? Ce que je leur ai trouvé ? Tu veux vraiment des réponses ?

Tae qui n'a pas bougé, la regarde et attend quelques secondes. Il attend qu'elle réponde avant de reprendre la parole. Fin de compte, réponse ou pas, il se lance et, c'est comme si plus rien ne pouvait l'arrêter

- J'étais en train de mourir et ... et tu ne peux pas deviner la suite toi qui sent l'amande amère ? Tu ne devines vraiment pas ce que j'ai fais pour que je puisse être toujours là ? ... Je t'ai protégé d'une certaine manière en disparaissant. Ce que je leur trouvais ? Tu le sais très bien et avec ça, du fric à faire et puis ... il y avait Kyu Hyun et ... et je ne pouvais pas le laisser seul dans ce gang parce que ...

Tae Hwan continue de regarder sa sœur jumelle. Il ne veut plus rien cacher. Tout ça a trop duré. Il est fatigué de tout ceci et au fur et à mesure de ses premières paroles, il a déjà l’impression qu’un poids se retire de ses épaules, mais ça ne suffit pas

- Parce que je l'aimais. Kyu est mort et je suis bien vivant ! Alors pendant tout ce temps, j'ai essayé de me reconstruire, mais je ne t'ai jamais oublié. Il me fallait seulement du temps entre ma mort imminente, ma reconstruction et Kyu. Quant au gang, je l'ai quitté depuis deux ans. Tu vois, j'attendais d'être au mieux pour te retrouver et toi ? Toi tu ... tu n'es pas passé au-dessus de ma mort ? Ose dire que tu n'as pas commencé à te sentir mieux près de quelqu'un d'autre !

Tae Hwan fait front. Les prémices du mal semblent reprendre leur place effaçant tous les efforts qu'il avait pu faire jusqu'à maintenant. La colère lui revient et le Coréen essaie de retenir d'autres paroles qui pourraient le mener là où il ne le désire pas

- Ose seulement me dire que ce que je dis n'est pas vrai ! Crois-tu que je ne sache rien ? Ose me dire aussi que tu n'as pas pris ce que je sens être de l'amande amère ?

La question est de nouveau posée : Se Jin sait-elle que les vampires existent ? Bien sûr ! Et, il parierait qu'elle se doute qu'il en est un. Il veut l'entendre le lui dire. Ce n'est qu'une question dont il attend la réponse. Comme toutes les autres d'ailleurs. Tout devient alors clair. Il se rejette la faute. Il aurait pu continuer à se faire passer pour mort ou tout simplement ne rien demander à Min Ho. La solution aurait pu être là et, dans cette colère qui refait surface suite à l'incompréhension, au regard de sa sœur qu'il pense différent, tout semble l'amener vers cette envie de détruire les murs qui lui font face, à cet instant où il pourrait disparaître et partir au-devant de celui sur lequel il a envie de se venger : Ja. Tae Hwan n'a pas oublié. Il n'a rien oublié non plus quant à ses parents. Se Jin n'est en rien fautive. Seule la douleur accélère le processus. Cette douleur d'imaginer que celle qu'il a toujours aimé plus que tout en vienne à lui tourner le dos. Le Coréen la fixe alors

- Sauras-tu accepter celui que je suis maintenant ? Garderas-tu ce que nous étions l'un pour l'autre ?

Deux questions qui ont leur importance.